Work-Packages

Le projet DePERU est organisé autour de 6 axes de recherche appelés Work Package (WP). Chacun de ces WP est caractérisé par un ensemble d'objectifs faisant appel à une méthodologie spécifique. Chaque WP est porté par au moins deux responsables.

Liste des Work-Packages du projet DePERU

Résumé du WP : L'objectif de ce work package est de définir l'incertitude radicale. En effet, bien que le concept ait été initialement introduit par Knight (1921), il a été utilisé dans divers contextes sans qu'une signification rigoureusement clarifiée ou une évaluation critique ne lui ait été attribuée. En s'appuyant sur l'état actuel de la théorie de la décision, une définition provisoire pourrait être la suivante, cherchant à aller au-delà des concepts traditionnels de risque et d'incertitude : l'incertitude radicale correspond à une forme d'incertitude dans laquelle l'agent est incapable de concevoir pleinement l'ensemble des scénarios possibles (états de la nature), comme le suggèrent Kay & Mervyn (2020). L'objectif est de clarifier les racines, le sens, la phénoménologie et le cadre conceptuel autour de l'incertitude radicale. Cela fait écho à de nombreuses questions classiques sur la connaissance, la représentation, l'aléatoire, etc., et invite à envisager de nouvelles perspectives sur des sujets traditionnels.

Cela met en lumière la nécessité d'un cadre conceptuel clair pour comprendre les différentes formes de cas limites de croyance et d'incertitude, y compris le risque, l'ambiguïté, le doute, l'ignorance radicale et d'autres concepts similaires. Il est suggéré que, pour distinguer l'« incertitude radicale (IR) » d'autres concepts apparentés, tels que les « cygnes noirs » de Taleb ou les « contingences imprévues » de Kreps, une approche philosophique générale et une cartographie exhaustive de ces idées à travers les disciplines sont nécessaires. De même, on étudiera en particulier ce que la logique, au sens large, peut nous apprendre ou nous permettre de formaliser concernant l'IR et les événements inconcevables, avec des liens vers l'« école d'Amsterdam de logique » (Institute for Logic, Language and Computation, autour de S. Rahman et S. Smets).

Une autre perspective de cette approche est de tirer parti des avancées conceptuelles et logiques dans la définition et la modélisation de l'IR, comme cela a été proposé dans le numéro spécial de Erkenntnis et l'article fondateur « Radical Uncertainty: Beyond Probabilistic Models of Belief » de Romejin et Roi (2014). Enfin, une phénoménologie des cas non standards de croyance et des appréhensions de la réalité (variation des faits en contrefactuels ou parafactuels, modalisation des faits, interprétations illusoires de la réalité factuelle, etc.), telle que celle présentée par Husserl (1913), est nécessaire pour distinguer l'IR des autres formes d'incertitude épistémique, l'articuler avec des formes standard et non standard de doute, et, finalement, fonder une « ontologie du monde vécu » qui inclut un futur indéterminé et ouvert.

De manière générale, l'objectif de ce lot de travail est de rassembler des contributions hétérogènes liées à l'IR, à l'épistémologie et à la logique afin de clarifier les tenants et aboutissants de ce concept central sous un angle philosophique et phénoménologique général. En complément de cet approfondissement conceptuel, les conséquences sociales, économiques et politiques de l'IR seront également étudiées, notamment à travers l'histoire de la pensée (scepticisme, empirisme, critique de la connaissance). Des penseurs comme Knight, Keynes ou Savage, déjà mentionnés, ont souligné le rôle critique de l'IR dans le domaine de l'économie et de la société, mais le cadre philosophique plus large pour une analyse historique et systématique complète de l'IR reste encore un objectif à atteindre. L'objectif est d'approfondir leurs idées sur l'importance, en général, des incertitudes radicales pour les sociétés humaines.

ResponsablesClaudio Majolino et Alexandra Hyard

Résumé du WP : L'objectif de ce work package est de créer des scénarios disruptifs, presque inconcevables, en s’appuyant sur une diversité de perspectives provenant à la fois d’experts et de penseurs créatifs. Inspiré par l’initiative « Red Team Defense », qui a challengé le Ministère des Armées en France à travers une approche similaire, ce projet repose sur la collaboration entre experts et écrivains pour élaborer ces scénarios. Grâce à une collaboration interdisciplinaire impliquant des spécialistes des sciences dures, des sciences sociales et des auteurs de fiction, le projet générera des récits inattendus couvrant de multiples secteurs, tels que l’économie, l’éducation, la santé et la société.

Les diverses dimensions où des crises majeures ou globales, des chocs de transition ou des ruptures pourraient se produire seront examinées à travers des travaux collaboratifs interdisciplinaires. Ces travaux incluront des chercheurs de différents domaines, notamment les sciences dures, des figures publiques, des personnes en positions de responsabilité et de connaissance, ainsi que d’autres penseurs créatifs, tels que des auteurs de fiction. Cela englobera des dimensions environnementales (le changement climatique n’étant qu’un des nombreux enjeux possibles), des perspectives technologiques (notamment les scénarios potentiels impliquant l’IA), ainsi que des changements sociopolitiques et géopolitiques. Ces trois dimensions non seulement offriront des possibilités difficiles à imaginer isolément, mais interagiront également entre elles, tout en intégrant des problématiques additionnelles comme les crises sanitaires et les enjeux démographiques.

Nous prévoyons donc d’explorer les combinaisons de crises, de chocs, de ruptures, de transitions, mais également les progrès scientifiques, technologiques, culturels et sociaux. L’étude de ces nombreuses combinaisons permettra de produire une cartographie dynamique des incertitudes radicales ainsi qu’une base de données (sous forme de bibliothèque en ligne) de scénarios liés à ces incertitudes.

Trois défis méthodologiques clés seront abordés :

  1. Créer collectivement des scénarios pertinents avec suffisamment de détails pour une analyse approfondie.
  2. Maintenir une rigueur scientifique tout en produisant de tels scénarios.
  3. Examiner la relation entre la fiction et la vérité.

Pour atteindre ces objectifs, nous nous appuierons sur des méthodologies existantes pour l’écriture collaborative et la conception de scénarios, des outils de recherche-action participative, ainsi que des logiciels d’analyse de données. La problématique du dévoilement séquentiel des données des scénarios et du coût d’obtention de l’information constituera un aspect important de notre réflexion.

Cela nécessitera également un travail de réflexion sur le statut épistémique de notre approche basée sur les scénarios et, plus généralement, sur le statut de la fiction. Cet exercice réflexif visera à renforcer le processus de construction des scénarios, en particulier à l’intersection entre la science, l’expertise et la fiction, en s’appuyant sur la fonction cognitive des fictions. Nous explorerons comment les expériences de pensée fictionnelles, qui ne se conforment pas aux contraintes de la réalité, peuvent offrir des perspectives précieuses sur l’incertitude radicale (IR), en examinant comment de tels scénarios influencent les comportements au sein des récits, les réactions des lecteurs et leur impact sur la société civile. Par ailleurs, des recherches portant sur les préoccupations environnementales, les changements technologiques et les larges implications politiques seront intégrées dans ce lot de travail.

Responsables : Damien Charabidze et Mikael Toulza

Résumé du WP : Ce lot de travail vise à comprendre comment les processus de délibération sont influencés par une incertitude radicale extrême (IRE), en se concentrant sur les étapes de collecte d’informations, d’élaboration de scénarios, d’évaluation des données, de raisonnement et de développement d’arguments. Il explore comment l’IRE affecte la délibération et si elle incite à la prudence, à l’indécision ou à l’établissement de débats inclusifs entre des formes de savoirs diversifiés, tels que les perspectives des experts et celles de la société civile.

Une attention particulière sera portée aux niveaux groupal, organisationnel et institutionnel, qui offrent des terrains observables pour la délibération publique. La recherche examinera comment les savoirs, l’expertise et les données orientent la prise de décision stratégique dans des environnements en évolution, y compris en situation de crise et dans des systèmes hybrides impliquant de multiples acteurs. Elle explorera également le rôle de l’intelligence artificielle, des simulations et des exercices de jeux de guerre (wargaming) dans l’amélioration des processus décisionnels, ainsi que la manière dont les institutions démocratiques peuvent s’adapter aux cycles décisionnels rapides influencés par la technologie.Des études comparatives, incluant des recherches de terrain aux États-Unis pendant la période électorale 2024-2025, fourniront des perspectives sur la manière dont les institutions clés de la sécurité nationale répondent aux défis mondiaux.

Enfin, le projet analysera comment les démocraties européennes et l’alliance transatlantique s’adaptent aux nouveaux défis stratégiques émergents, notamment les menaces hybrides, les crises environnementales et les enjeux de sécurité, afin de concevoir des stratégies civilo-militaires globales capables d’anticiper et d’atténuer les IRE.

ResponsablesJustine Faure et Sami Makki

Résumé du WP: Ce work package vise à comprendre comment les processus de prise de décision, tant au niveau individuel que collectif, sont influencés par l'incertitude radicale (IR). Il explorera comment l’IR affecte les étapes allant de la délibération au choix, en examinant si les décisions sont prises par des processus rapides et automatiques ou par un raisonnement plus lent et contrôlé. Alors que les choix individuels sont souvent influencés par des facteurs externes (par exemple, la valeur des résultats, le coût des actions) et des facteurs psychologiques (par exemple, la motivation, les valeurs éthiques) dans des environnements bien contrôlés, il est moins clair comment ces facteurs se manifestent dans des situations d’IR.

Le Work Package 3 (WP3) étudiera si l’IR pousse les individus et les groupes à s’appuyer davantage sur des habitudes ou sur un raisonnement délibéré, et comment les modèles classiques issus de la psychologie, de l’économie, de l’éthologie et des neurosciences computationnelles prédisent les comportements dans des conditions d’IR. Des modèles non humains, tels que les sociétés d’insectes, ainsi que des modèles mathématiques et informatiques, seront également pris en compte.

Cette recherche combinera des méthodes qualitatives (par exemple, études de groupe) et quantitatives (par exemple, expériences en laboratoire), en utilisant des scénarios liés à des thématiques de l’IR, tels que le réchauffement climatique, les conflits armés et le développement de l’IA. Ces scénarios, élaborés avec des experts de divers domaines (WP1’), seront mis en œuvre dans des expériences permettant de mesurer la prise de décision à travers des données comportementales, physiologiques et neuroscientifiques. Les résultats permettront de déterminer comment l’IR module les influences connues sur les choix et si de nouveaux facteurs émergent, contribuant ainsi à une compréhension approfondie des mécanismes de décision en situation d’incertitude.

Responsables : Julien Benistant et Arthur Prével 

Résumé du WP : L'objectif de ce work package (WP) est d'examiner les aspects normatifs de la prise de décision, en particulier comment les décisions sont perçues comme étant justes, justifiées ou légitimes dans le contexte de l’incertitude radicale (ou extrême) (IR) par ceux qui les prennent et ceux à qui elles s’adressent. Il explore les critères utilisés par différents acteurs pour évaluer les décisions, en tenant compte des préoccupations éthiques, civiques et sociales, ainsi que de la légitimité de l’ensemble du processus décisionnel. La légitimité, concept complexe, est analysée à travers trois types :

  • Pragmatique : fondée sur les résultats favorables.
  • Cognitive : basée sur la compréhension du processus décisionnel.
  • Morale : en lien avec l’alignement sur des normes et valeurs sociales partagées.

Le WP étudiera comment les individus, les professionnels et les groupes perçoivent les décisions prises par divers acteurs, tels que les entreprises, les États ou les organisations internationales, et le rôle joué par des facteurs tels que les caractéristiques sociales, les traits psychologiques, les situations économiques et l’exposition à l’information dans ces perceptions. Il analysera également si les contextes d’IR rendent les facteurs de légitimité plus ou moins pertinents, en particulier lors de crises ou d’urgences où l’évaluation des décisions peut soit unifier soit polariser les groupes. L’impact de la légitimité ou de l’illégitimité perçue sur les comportements futurs sera étudié, notamment en ce qui concerne le vote, la désobéissance civile, les boycotts ou les actions des consommateurs, avec un focus particulier sur la manière dont les évaluations rétrospectives influencent ces comportements dans des contextes d’IR.

D’un point de vue méthodologique, le WP s’appuiera sur des recherches qualitatives et quantitatives, en utilisant des entretiens semi-structurés, des enquêtes et des méthodes expérimentales pour étudier comment les décisions sont perçues et légitimées dans des conditions d’IR. Des études de cas seront menées à l’échelle locale, nationale et internationale, permettant de comparer les processus décisionnels entre différents acteurs et situations, dans le but de produire des analyses pertinentes et scientifiquement informées.

Responsables Jean-François Toti et Elsa Bernard

 

Résumé du WP : Ce work package se concentre sur l’établissement de liens solides avec la société civile à travers la recherche-action participative, la médiation scientifique, l’éducation, le réseautage et le financement. L’objectif est de positionner l’Université de Lille comme un leader en sciences collaboratives en France. Un des objectifs clés est de constituer une équipe interdisciplinaire regroupant les chercheurs du projet DePERU, tout en développant des méthodes de travail communes et une acculturation aux divers enjeux scientifiques et méthodologiques. Cela posera les bases de l’Institut Interdisciplinaire Lillois sur l’Incertitude Radicale (LIIRU) et garantira une collaboration à long terme ainsi qu’une intégration des savoirs entre disciplines.

Le projet adoptera une approche de team science, en utilisant le cadre HOT-fit (Humain, Organisation, Technologie) pour relever les défis du travail interdisciplinaire, faciliter les collaborations et soutenir la recherche-action participative (RAP). Ce lot de travail comprend cinq missions principales, dont la formation et l’éducation, avec une emphase sur l’apprentissage tout au long de la vie pour s’adapter à un marché du travail en constante évolution, façonné par des incertitudes radicales telles que la révolution numérique et les transitions écologiques. La RAP sera une méthode centrale, impliquant directement les parties prenantes afin de garantir que la recherche soit menée avec et pour la société, produisant des connaissances pratiques et exploitables.

Le projet proposera également des services spécifiques de recherche, de formation et de conseil aux entreprises et institutions, les aidant à naviguer dans des situations actuelles ou futures d’incertitude radicale grâce à des outils de recherche sur mesure et de soutien à la prise de décision professionnelle. Inspirée de la méthodologie Red Team, cette approche développera des scénarios pour challenger les organisations, renforcer leur vigilance et améliorer leur capacité d’adaptation.

Globalement, ce lot de travail vise à promouvoir une approche transdisciplinaire pour aborder les défis complexes de la société liés à l’incertitude radicale.

Responsables Massil Benbouriche, Damien Charabidze et Maud Herbert